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L’huile d’olive, l’or vert catalan

06 Déc L’huile d’olive, l’or vert catalan

Je suis née d’un arbre millénaire, au cœur des collines catalanes, là où le ciel et la terre s’étreignent. Je suis une goutte d’huile d’olive, un fragment de lumière, sculptée par le vent, le soleil et le temps. wwwLes histoires de mon « Olivier majuscule » remontent toujours au Déluge. Avouez que tous les arbres n’ont pas cet honneur d’occuper une place de choix dans la Bible, au commencement du Monde. C’est donc avec une feuille d’olivier dans le bec que la Colombe annonça à Noé, réfugié dans son Arche salvatrice, la fin de l’inondation la plus célèbre de tous les temps. Mon olivier est ainsi devenu le symbole de la réconciliation de Dieu avec les Hommes et la fin des conflits. L’olivier, mon Saint-Père…

Oliveraies et oliviers de tous les records ! 

D’ailleurs, le saviez-vous ? C’est en Catalogne sud, que l’on trouve les oliviers les plus anciens du monde. La région du Montsià conserve jusqu’à 2 668 oliviers millénaires. Mais c’est la commune d’Ulldecona, avec ses 1 524 oliviers, qui détient la plus grande concentration d’oliviers millénaires au monde. La plupart ont 1 000 ans et certains approchent des 2 000 ans, comme « la Farga de l’Arion », l’olivier le plus ancien du monde, avec 1 707 ans d’histoire. Revenons à ma naissance. Avant d’être liquide, j’étais un fruit, une olive ronde et brillante, suspendue à une branche, dorée de lumière méditerranéenne. J’ai grandi lentement, nourrie par la terre sèche de Catalogne qui donne peu, mais offre l’essentiel. En Catalogne sud, je fais partie de plusieurs familles d’olives : Arbequina, Farga, Morruda, Sevillenca, Empeltre, Verdial ou encore Argudell et Curivell. J’ai de la chance. Bénies des Dieux sont les cinq régions catalanes du sud détentrices d’une AOP : Les Garrigues, Oli de Terra Alta, Oli del Baix Ebre-Montsià, Oli de l’Empordà et Siurana. Pour se délecter de l’huile d’olive de l’appellation Siurana, c’est à Cambrils, sur la Costa Daurada, entre mer et montagne, qu’il faut plonger. Et plus précisément au cœur de la mythique Coopérative Agricole de Cambrils, fondée en 1902. Là-bas, moi l’olive, je suis reine. Quand la saison de récolte arrive, c’est toujours un moment spécial pour moi. On va me décrocher… L’une des méthodes que j’apprécie particulièrement est celle du « munyiment », ou la cueillette à la main. On me cueille ainsi en me détachant délicatement des branches. Parfois, on utilise un petit râteau ou un peigne pour m’aider, mais l’idée reste la même : ne pas m’abîmer. C’est la méthode la plus ancienne, la préférée des petits producteurs et des amateurs de qualité supérieure. Il existe bien une autre méthode à laquelle j’ai longtemps été soumise mais à Cambrils on ne l’aime plus… Je vous parle du battage ou du gaulage qui consiste à frapper et secouer les branches de l’olivier avec une longue perche. Pour une approche plus moderne, on me soumet aujourd’hui volontiers à la technique de la « vibration » ! Un tracteur muni d’une pince vient secouer le tronc de l’olivier. C’est impressionnant de nous voir tomber dans les filets, comme une pluie verte autour de l’arbre ! Ces « secoueurs de tronc » mécanisés permettent une récolte à très grande échelle. Ils enserrent le tronc et le secouent en douceur, et nous laissent dévaler sur de larges filets déployés au sol. Cette méthode est moins agressive que le battage, car elle évite de blesser les branches, et elle est rapide. évidemment, il faut que les olives soient bien mûres pour se détacher facilement. Me récolter, voyez-vous, relève aussi bien de l’art que de la tradition et de la modernité. Une fois récoltée, il ne faut surtout pas m’entasser ni me mettre en sacs. Je dois être transportée avec soin au moulin. Car un des secrets de la qualité de l’huile d’olive vierge extra réside dans le temps de traitement : il ne doit pas excéder 48 heures.

Le mariage de l’huile d’autrefois et de la technologie d’aujourd’hui

Bien qu’il soit recommandé de ne pas dépasser 24 heures entre la récolte et l’obtention de l’huile. Top chrono : on me lave, on élimine toute trace de boue, toutes les impuretés avant le broyage. À Cambrils, on utilise uniquement des moyens mécaniques, avec un strict contrôle de la température, ce qui permet d’obtenir un produit préservant toutes ses propriétés organoleptiques et nutritives. À la coopérative de Cambrils, la ligne d’emballage de dernière génération offre une grande capacité de production. Le Département Logistique, équipé d’entrepôts à rayonnages palettisés, permet une distribution rapide et fluide des différents produits. Ici, outre la production d’une huile de qualité supérieure régulièrement primée, les installations modernes, supervisées par des professionnels de premier ordre ont permis d’obtenir la certification de qualité et de sécurité alimentaire (IFS Food). Ce qui fait de ce moulin le premier de Catalogne à obtenir cette certification pour la production et l’emballage d’huile d’olive. Entre savoir-faire ancestral et innovation, entre l’huile d’autrefois et la technologie d’aujourd’hui, l’huile d’olive sud-catalane brille de mille feux. En Catalogne Nord, l’huile d’olive n’a pas encore eu l’honneur d’être labellisée en AOP, ce qui relève d’ailleurs de l’anomalie dans le paysage de l’oléiculture française. D’autant plus incompréhensible qu’en Roussillon, l’oléiculture est une tradition séculaire. Dans les années 1880, avant que la vigne ne prenne le dessus, le Roussillon était la première région productrice d’olives de l’Hexagone ! Il n’en demeure pas moins que l’Olivière, la Verdale, la Glory, la Courbeil, l’Argoudeil, la Redouneil, la Berdaneil, et la Poumal, les variétés d’olives endémiques des Pyrénées-Orientales offrent une huile de qualité régulièrement récompensée. Au Salon de l’Agriculture 2024 à Paris, le Moulin Saint-Pierre de Millas a décroché la médaille d’or du Concours Général Agricole. Reconnu comme étant l’un des plus beaux domaines oléicoles du Sud de la France, il avait déjà remporté cette distinction à six reprises depuis 2010 ! Millas toujours, avec le Moulin à huile né en 1920 et devenu cave coopérative en 1941. Il compte aujourd’hui près de 900 coopérateurs de tout le département qui apportent des olives d’une quinzaine de variétés différentes.

Oléotourisme : des expériences en or… liquide ! 

Ah, les moulins ! Ces lieux magiques perpétuent une tradition artisanale de récolte et de fabrication d’huile d’olive vierge extra de qualité. Ils s’inscrivent aujourd’hui dans de véritables circuits oléotouristiques. La Costa Brava permet de découvrir les moulins de Cabanes, de La Bisbal, Vilafant, Pau et Ventallo mais également celui d’Empordalià, la superbe coopérative agricole de Pau. Sur la Costa Daurada, c’est Cambrils qui joue les reines de l’olive grâce à son incroyable coopérative et son musée agricole. Plus au sud, dans la Terra Alta, on ne manquera pas de visiter la coopérative moderniste de Pinell de Brai, conçue par Cèsar Martinell, disciple de Gaudí. La province de Lleida enfin, la plus « olivement riche », offre un parc thématique de l’huile à les Borges Blanques, un écomusée à la Pobla de Cérvoles ainsi qu’un musée de l’huile et du monde rural à Castelldans. Et s’il était une expérience essentielle dans laquelle se plonger pour sentir au plus près la magie du monde de l’olive, ce serait indéniablement sur les terrasses en schistes des Hauts de Banyuls-sur-Mer. Au Mas Reig, au milieu des 2 200 oliviers du Domaine de la Baillaury. Là où Olivier Borrat vous accueille dans son « bar à huile ». Là où la Courbeil, une huile d’olive d’exception, est passée au rang de « plus rare du monde » !

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