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Vilanova i la Geltrú, une petite havane au milieu du Garraf

01 Août Vilanova i la Geltrú, une petite havane au milieu du Garraf

Vilanova i la Geltrú, capitale de la comarca du Garraf, est composée de deux noyaux historiques : une ville millénaire et une ville nouvelle bâtie sur l’emplacement de l’ancienne ville médiévale de Cubelles. Connu sous le nom de « L’Havana Xica », ce joyau méditerranéen est aussi le symbole d’un art de vivre unique, imprégné par la mer.

Et bien sûr, il y a la Méditerranée, berceuse omniprésente, qui invite à la contemplation et aux rêves de terres lointaines au bout du bleu. Mais la passivité de la rêverie n’est pas le genre de Vilanova i la Geltrú ! L’iode semble bien avoir agi sur elle comme un stimulant millénaire, une potion magique. À moins que ce ne soit sa façon de damer le pion à sa voisine, la très médiatique et très sophistiquée Sitges ? Toujours est-il que la belle est dynamique et a su, au fil des décennies, s’adapter à des ressources changeantes sans jamais baisser la tête, prompte à se retrousser les manches et à regarder son avenir dans les yeux. Les pêcheurs paysans de toujours, nés entre jardins maraîchers et chaluts, entre criée et ravaudage, ont su entamer, vers le XVIIIe siècle, une mutation décisive. Certains d’entre eux sont devenus négociants en vins et ont déjà noué des liens féconds avec les colonies de la Caraïbe, l’horizon absolu de la ville.

Devant la mer…

Le XIXe siècle venu, avec son lot de mécanisations et d’immigrés arrivant de toutes les Espagnes, ils se sont convertis à l’industrie textile et ils ont été nombreux, suite à la terrible épidémie de phylloxéra, à cingler vers les Amériques en quête de jours plus radieux. À chaque mutation, la population de la ville s’est agrandie et mélangée, sans jamais perdre sa catalanité farouche. Au début du XXe siècle, la firme Pirelli s’est installée et a ainsi parachevé ce destin industriel. Dans le même temps, le développement des transports (la ville, encore aujourd’hui, est desservie par le train), la mode des bains de mer et la beauté naturelle du site ont imposé un autre axe d’avenir : ce sera le tourisme ! Et il faut bien le dire, la belle a de quoi séduire… Pour s’en convaincre, il suffit de suivre la route de découverte de la façade maritime récemment mise en place par l’office de tourisme, une belle promenade qui déroule un catalogue de styles architecturaux qui finit par créer une étrange harmonie. Le quartier résidentiel de Ribes Roges, avec son parc sillonné de trains-miniatures, circulant l’été les dimanches matins et samedis après-midi, est parsemé de résidences estivales modernistes. Sur la rive, une magnifique sculpture contemporaine représente Pasiphaé, la mère du Minotaure, signée Oscar Estruga et s’intitule « La lune qui vous illumine ». Voici la tour de Ribes Roges, la seule survivante des trois qui composaient la dernière enceinte fortifiée de la marine de Vilanova. Elle a été transformée en espace dédié à la mer et à la création par le plasticien Josep Guinovart. Les trois étages aménagés tournent autour de la piraterie, des cordages et d’un hommage à Dalí, Matisse et Picasso. Ici commence le cœur de la cité avec de nombreuses terrasses de bars et de restaurants particulièrement animées, situées comme il se doit face à la longue et voluptueuse plage. La promenade s’allonge encore jusqu’au port de plaisance, doté d’une impressionnante marina, et croise une grande rambla de plus d’un kilomètre, en réalité la plus longue de Catalogne. Elle s’ouvre sur le monument dédié à Francesc Macià, ancien président de la Generalitat de Catalunya, signé Josep Maria Subirachs, le sculpteur inspiré de la Sagrada Família, qui annonce le quartier des pêcheurs, où les magnifiques maisons des « Indianos », revenus riches de Cuba, témoignent de l’influence coloniale sur l’architecture de la ville. Le joyau du quartier reste la Maison de la Mer, la maison des pêcheurs, aux grandes fenêtres voûtées, ornées de carreaux carrés à la française, aux galeries soutenues par de grosses poutres et aux balcons en fer forgé. La relative modestie des bâtisses, leur caractère plus fonctionnel, rythment les pas des visiteurs vers le grand port de pêche, l’un des plus importants de Catalogne, en termes de flotte mais aussi en termes de captures. Une incessante noria de bateaux entre et sort du port marquant le pouls de Vilanova, immuable à travers les âges. Devant vous, autour de vous, le ruban bleu de la Méditerranée, omniprésente, enchante les baigneurs, en leur offrant tous les sports nautiques possibles : voile, jet ski, windsurf, paddle, plongée sous-marine, canoë-kayak… 6 km de plages douces vous attendent, couvertes de sable fin et doré, dotées des équipements les plus modernes et battant pavillon bleu. Au pied de la butte de Sant Cristòfol, le phare abrite le Musée de la Mer. Au sommet, l’ermitage de style roman, construit au XIIIe siècle, jouxte le domicile où vécut le grand historien de l’art Eugeni d’Ors, grand théoricien du baroque et enfant du pays, inspiré lui aussi par la danse des vagues. Si vous voulez entrer de plain-pied dans l’âme de la ville, il vous faut remonter la rambla, et admirer ses maisons modernistes somptueuses comme Can Pahissa, avec ses étranges fenêtres rondes soutenues par des colonnes ioniennes, ou encore la maison Renard, très belle, savant mélange de néobaroque – dans les corniches arrondies – et de néogothique – dans l’allongement ogival des fenêtres.

L’ombre de Cuba

Partout, la quête du beau : des esplanades aux sols carrelés comme autant de tapis ornementaux, des statues, des fontaines. La plaça de les Neus (place des Neiges) s’orne de l’église, résolument baroque et étrangement séparée de son clocher vertigineux qui semble un peu penché. La rue des Capucins, perpendiculaire, regorge de boutiques et de vitrines dignes d’une grande ville tandis que le paisible musée romantique de Can Papiol évoque la vie quotidienne d’une riche famille du XIXe siècle, celle de Francesc de Papiol i Padró, avocat, propriétaire terrien et député, éclairée par les meubles et la décoration de l’époque. La façade néoclassique présente des sgraffites volubiles. La salle de bal, le salon de billard, la salle de musique, vous offrent 150 ans de flashback, une impression parachevée par le jardin à l’anglaise. L’usine « La Paparera » raconte le labeur des ouvriers à l’âge d’or industriel. Ne manquez pas la bibliothèque Victor Balaguer : sa coupole et son portique surmonté d’un fronton semi-sphérique reposant sur des colonnes corinthiennes lui donne une certaine majesté. Derrière la façade couleur vieux rose se chachent de belles collections d’art catalan et des objets égyptiens et orientaux. Mais bien sûr, le nom de Vilanova i la Geltrú l’indique, la ville est scindée en deux noyaux urbains, et la ville moderne s’arrête là. Un peu plus loin, en effet, le Portal del Nin (Portail du gamin), daté de 1371, constitue le seul vestige identifiable des remparts médiévaux et marque la frontière entre les deux localités originelles. La rue recouvre ici « El Torrent de la Pastera », qui séparait autrefois Vilanova de Cubelles et La Geltrú. Elle mène à la partie médiévale qui étreint le vieux château aux ogives rabaissées et l’église Sainte Marie remaniée au XVIIe siècle. Le retable de son maître autel, représentant l’Annonciation, est magnifique. Vous allez adorer déambuler dans les ruelles pavées et faire une halte sur les placettes ombreuses de cette vieille ville. Un peu en dehors, le Mas d’en Cabanyes, sur lequel règne encore une sorte de halo romantique, fut le lieu de vie du poète Manuel de Cabanyes et du peintre Alexandre de Cabanyes. Il abrite le Centre d’Interprétation du Romantisme. Son jardin perché offre de belles vues sur ViIanova et entoure le Pi Gros, un pin centenaire à l’impressionnante canopée. Derrière la ville, en plein Parc du Garraf, l’espace naturel des Colls-Miralpeix étalent leurs 379 hectares de beauté. Près de la mer, cet espace est pierreux et sec, colonisé par les pins maritimes et la garrigue, mais aussi par les palmiers autochtones. à l’intérieur des terres, le paysage se transforme en forêts de grande densité et constituent un véritable poumon vert.

Vivante et belle

C’est ici qu’aboutit le chemin de transhumance qu’empruntait le bétail depuis la Cerdagne. Bien sûr, les excursions sont innombrables à pied, en vélo et à cheval, pour ne rien abandonner des joies terrestres. Même les golfeurs disposent d’un pitch and put avec vue sur la mer… Un luxe. Voilà Vilanova i la Geltrú dans toute sa diversité, infiniment vivante et belle : un site naturel remarquable adossé au Parc du Garraf et à la végétation typique, longé d’un chapelet de plages douces, une ville à l’architecture foisonnante et aux faux airs cubains, industrielle et commerçante, un beau village médiéval, un port de pêche de première importance et enfin, un port de plaisance prisé. Rien de clinquant, rien de surfait, juste une beauté naturelle hâlée au vent du large comme les filles de Cuba, à la fois farouche et voluptueuse.

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